Avec le recul ou le retard, c’est selon, on se doit de revenir sur l’étrange commémoration de mai 68. Comment expliquer la masse de papiers rédigés sur plus de trois mois, la quantité d’ouvrages, la frénésie d’événements ? Et ce, dans ce qui apparaît comme une relative indifférence du public non initié et non concerné … L’indigestion commença apparemment dès l’apéritif (voir les chiffres des ventes des hebdomadaires), mais elle ne découragea pas les rédactions à continuer le service … Résultat : si l'importance d'un événement se mesure à la quantité de lignes publiées pour le commémorer, mai 68 est l'événement du siècle ! Il doit donc y avoir derrière tout cela autre chose qu’un devoir de mémoire, comme on dit.
1) D'abord, il est clair que la commémoration de 68 fut conçue par ses auteurs comme un « acte de résistance » à Nicolas Sarkozy qui avait prétendu en liquider l’héritage ; comme une sorte de revanche idéologique. Mais le coup n’a convaincu que les déjà convaincus : de même que l’attaque de Sarkozy n’avait guère eu de prise au-delà d’un cénacle qui lui était acquis ; de même la commémoration tout azimut n’a guère eu d’écho que dans les petits cercles. Etrange guerre qui évite la confrontation …
2) Ensuite, la nostalgie du joli printemps de mai qu’éprouve La Génération (comme dit Mara Goyet) n’est pas sans rappeler celle de la génération précédente à l’égard de la Résistance. Belle formule de Laurent Joffrin dans l’entretien avec B. Delanoë qui décrit ainsi 68 : « faute d’avoir vécu aux temps héroïques, on a cherché à héroïser des temps pacifiques » (De l’audace, p. 35). Ironie de l’histoire : les jeunes cons d’hier (ceux de 68) sont devenus les vieux cons d’aujourd’hui, ressassant à outrance l’« ancien-combattantisme » qui leur était jadis insupportable et déplorant le triste état d’une jeunesse désengagée.
3) Enfin, il faut s’en convaincre, l’héritage de 68 n’est pas à commémorer : une part (l’aspiration à la liberté morale) est définitivement intégrée à la société ; une autre part est inexorablement obsolète (la théorie gauchiste révolutionnaire). Entre les deux, il reste une aspiration révolutionnaire sans sa théorie, une gestuelle de la protestation automatique, une attitude de vigilance critique : bref une posture politique dénuée de contenu, qui sature et épuise la fonction civique. Et cela ne mérite sans doute pas commémoration … Le mystère reste entier (voir une autre analyse sur causeur) .
PHT
3 commentaires:
Vivement juin en effet,
Pour ma part, je me suis intéressée à certains articles parus relatant cet evènement de 68. D'ailleurs, je suis allée à un débat sur cette époque qui se déroulait dans une annexe de paris IV, et cela m'a interessée. D'une part, parce qu'il est toujours enrichissant de connaitre l'histoire d'un pays ( et de SON pays ) ; d'autre part, la question de savoir s'il y avait la possibilité d'un nouvel mai 68 actuellement était pertinente...
Il est bien evidemment que "trop c'est trop" dans la mesure où s'il y a une pléthore d'articles sur un meme sujet ( pas toujours bien écrits, d'ailleurs ), cela peut porter à une lassitude, voire à un desintéret de cette époque à cause d'une saturation. Toutefois, on n'est jamais à saturation de bonnes informations ! Mai 68 fait partie fait hélas des choux gras des médias, comme bien d'autres sujets "à la mode".
Les médias ont tendance à mettre en avant cette période du XXe siècle de façon à expliciter l'idée selon laquelle "c'est de l'histoire terminée, plus jamais elle ne se reproduira". Qui nous dit qu'il n'y aura pas de nouveaux soulèvements populaires au vu de la grogne sociale qui règne actuellement ?
C'est dommage que mai 68 soit réduit, médiatiquement parlant, à des amalgames nés d'une ignorance du contexte histoire ( c'est à dire au délà des révoltes étudiantes ). Mais vous savez, désormais les journalistes misent sur l'information jusqu'à l'écoeurement, nous en avons été témoins pendant les émeutes de 2005 : passait en boucle pendant des jours un reportage sur l'agression d'une personne agée. N'est ce pas là une manipulation médiatique visant à générer de la peur extreme chez les gens ?
Pour ma part, je crois que pour n'importe quelle thème (historique, politique...), il faut impérativement garder son esprit critique en evitant de croire passivement les reportages télévisés qui ne sont que des réductions éhontées de la réalité.
arf...navrée pour les fautes de frappe !
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