jeudi 7 février 2008

La philosophie politique de Sarkozy (V) L'Europe

L’Europe

Source : Discours devant le Parlement européen (Strasbourg, 13 novembre 2007).

En l’état, la position de Sarkozy sur l’Europe pourrait se résumer ainsi :
1) Le « non » des Français au référendum n’était pas un refus de l’Europe, mais un refus de ce que l’Europe était devenue : une « machine » aveugle, tatillonne et normative. Le « non » à l’Europe bureaucratique est un appel à une Europe plus démocratique.
2) C’est la raison pour laquelle il est urgent de reformuler les finalités de l’Union, en partant de ce constat : si l’objectif fondateur de faire la paix en Europe (et de faire bloc contre l'Union soviétique) n’est plus suffisant, ce n’est pas parce qu’il aurait échoué, mais au contraire parce qu’il a pleinement réussi. Cette réussite appelle donc une seconde phase de la construction européenne dans trois directions :
• D’abord la protection des Européens contre les effets négatifs de la mondialisation et du capitalisme financier. L’idée européenne permet de rendre plausible l’idéal démocratique de maîtrise par le peuple de son destin dans un contexte globalisé, où les forces financières démultipliées rendent les Etats impuissants.
• Ensuite la protection de la paix dans le monde. Pour ce faire, l’Europe doit se renforcer dans le but non seulement de préserver sa sécurité, mais aussi de remplir son rôle dans l’équilibre international.
• Enfin la protection contre les atteintes aux droits de l’homme partout dans le monde : « c’est à l’Europe de porter la question des droits de l’homme dans toutes les régions du monde ».
Cette triple mission protectrice, économique, géopolitique et juridique, représente la nouvelle perspective par laquelle il faut convaincre les peuples de poursuivre le processus de construction.
3) Avec la ratification du traité simplifié, il s’agit donc à la fois d’être plus clair dans les finalités et plus pragmatique dans les politiques (PAC, fiscalité écologique, défense, …). La ratification par le Parlement en France ne souffre à ses yeux d’aucune illégitimité : d’une part, le Parlement est l’expression démocratique ; d’autre part, le président a été élu en annonçant clairement la couleur.
4) Concernant l’identité européenne, Sarkozy défend la formulation (qui avait fait débat lors de la Convention) des « racines chrétiennes ». Une telle mention ne constitue pas, à ses yeux, une atteinte à l’idée de laïcité, mais le simple respect d’un héritage historique.
5) Quant à la question des frontières de l’Europe, elle est très clairement limitée au continent européen, Turquie exclue. Des rapports privilégiés pouvant être envisagés avec les voisins, notamment, sous une forme institutionnelle avancée, dans le cadre d’une « Union méditerranéenne ».

Ces points sont relativement consensuels. Le débat se situera sans doute ailleurs et plus tard, une fois achevé le processus de ratification du Traité simplifié. Comment la France pourra-t-elle justifier son déficit budgétaire ? Comment la PAC va-t-elle évoluer ? Comment la règle de la majorité, dont Sarkozy fait l’éloge, va-t-elle être perçue quand elle va s’exercer à l’encontre des intérêts français ? Comment le volontarisme de Sarkozy va-t-il se combiner avec les règles de décision communautaire ? … La suite nous dira ce qu’il en est au fond.
PHT