lundi 26 mai 2008

Marre de mai !

Avec le recul ou le retard, c’est selon, on se doit de revenir sur l’étrange commémoration de mai 68. Comment expliquer la masse de papiers rédigés sur plus de trois mois, la quantité d’ouvrages, la frénésie d’événements ? Et ce, dans ce qui apparaît comme une relative indifférence du public non initié et non concerné … L’indigestion commença apparemment dès l’apéritif (voir les chiffres des ventes des hebdomadaires), mais elle ne découragea pas les rédactions à continuer le service … Résultat : si l'importance d'un événement se mesure à la quantité de lignes publiées pour le commémorer, mai 68 est l'événement du siècle ! Il doit donc y avoir derrière tout cela autre chose qu’un devoir de mémoire, comme on dit.
1) D'abord, il est clair que la commémoration de 68 fut conçue par ses auteurs comme un « acte de résistance » à Nicolas Sarkozy qui avait prétendu en liquider l’héritage ; comme une sorte de revanche idéologique. Mais le coup n’a convaincu que les déjà convaincus : de même que l’attaque de Sarkozy n’avait guère eu de prise au-delà d’un cénacle qui lui était acquis ; de même la commémoration tout azimut n’a guère eu d’écho que dans les petits cercles. Etrange guerre qui évite la confrontation …
2) Ensuite, la nostalgie du joli printemps de mai qu’éprouve La Génération (comme dit Mara Goyet) n’est pas sans rappeler celle de la génération précédente à l’égard de la Résistance. Belle formule de Laurent Joffrin dans l’entretien avec B. Delanoë qui décrit ainsi 68 : « faute d’avoir vécu aux temps héroïques, on a cherché à héroïser des temps pacifiques » (De l’audace, p. 35). Ironie de l’histoire : les jeunes cons d’hier (ceux de 68) sont devenus les vieux cons d’aujourd’hui, ressassant à outrance l’« ancien-combattantisme » qui leur était jadis insupportable et déplorant le triste état d’une jeunesse désengagée.
3) Enfin, il faut s’en convaincre, l’héritage de 68 n’est pas à commémorer : une part (l’aspiration à la liberté morale) est définitivement intégrée à la société ; une autre part est inexorablement obsolète (la théorie gauchiste révolutionnaire). Entre les deux, il reste une aspiration révolutionnaire sans sa théorie, une gestuelle de la protestation automatique, une attitude de vigilance critique : bref une posture politique dénuée de contenu, qui sature et épuise la fonction civique. Et cela ne mérite sans doute pas commémoration … Le mystère reste entier (voir une autre analyse sur causeur) .
PHT

mercredi 21 mai 2008

La philosophie politique de PS

A propos de la nouvelle Déclaration de principes du Parti socialiste (avril 2008).

Pour la cinquième fois depuis 1905, le PS se dote d’une déclaration de principes. C’est une étape notable dans la rénovation engagée depuis l’échec de mai 2007. Le texte comprend un préambule et trois parties : I- Nos finalités fondamentales ; II- Nos objectifs pour le XXIe siècle ; III- Notre parti socialiste.

4 remarques :
1) Ce texte, à sa parution, a suscité pas mal de réactions ironiques (à droite), tant il semblait ratisser large. Il est vrai que des affirmations du type : « pour les socialistes, l’être humain est un être doué de raison, libre, un être social qui grandit dans sa relation aux autres, ouvert à toutes les potentialités » ne frappent pas par leur originalité. Elles rappellent les discours « éduc nat. » en tête des programmes scolaires. Cela dit, il est difficile de reprocher à une déclaration de principes d’être une déclaration de principes, même si le « souffle » n’est pas là.
2) Plus grave, le reproche qui voit dans cette déclaration une sorte de texte de rattrapage pour le XXe siècle plutôt qu’un fer de lance pour le XXIe. Le ralliement à l’économie de marché est clair et nulle mention n’est faite à la lutte des classes et aux options révolutionnaires : il était temps. L’histoire des différentes versions de déclaration (1905, 1946, 1969, 1990) montre le trop lent processus d’éloignement du marxisme révolutionnaire que le PS continue de payer aujourd’hui. Le SPD allemand s’en était écarté en 1959 (Congrès de Bad Godesberg) et le New Labour anglais (en 1994 avec la réécriture par T. Blair de la « Clause IV » de 1918).
3) Certes, la déclaration intègre deux nouveaux défis : le développement durable et la maîtrise de la mondialisation, mais elle reste étonnement silencieuse sur la crise de l’Etat providence. L’action collective semble être bénéfique, par principe et par essence ; et la question de ses effets pervers éventuels n’est pas évoquée. C’est pourtant le défi majeur : notre Etat est à la fois trop gros et trop maigre ; il protège quand il devrait libérer et il libère quand il devrait protéger. Comment replacer le bon curseur ?
4) Enfin — impression générale : ce texte, qui mentionne les droits sans les devoirs, laisse planer l’idée que la citoyenneté est avant tout affaire de protestation ; article 1 — « Etre socialiste, c’est ne pas se satisfaire du monde tel qu’il est » ; « révolte contre les injustices » ; article 2 — « critique historique du capitalisme ». Tout cela est bien sûr indispensable, mais la référence à la responsabilité dans l’exercice du pouvoir n’est pas centrale : seraient-ce là des principes d’un parti qui se sent naturellement dans l’opposition ?
PHT

mercredi 14 mai 2008

Pétition contre l'usage immodéré des pétitions

Nous, intellectuels et manuels, savants et ignorants, inconnus célèbres ou méconnus notoires, hommes de lettres et femmes de chiffres, francs maçons et menuisiers fourbes, férus de dîners en ville ou de déjeuners sur l’herbe … ; nous considérons qu’il est de notre devoir de protester avec la dernière énergie contre l’usage immodéré de la pétition dans nos démocraties tardives.

Elles se sont répandues sans que nous y prenions garde, saturant d’un bruit désormais quotidien l’agenda public, les pages de nos journaux et nos boites mails. L’exception est devenue la règle et la frénésie pétitionnaire contribue à rendre équivalentes toutes les causes, à banaliser tous les combats et à dénaturer le civisme.

Car force est de constater qu’elles sont en général propices à la pensée molle, aveugles à la complexité des situations et remplies de plus ou moins bonnes intentions ; elles se nourrissent de plus ou moins bonne conscience en cantonnant le métier de citoyen à la seule fonction de protestation. Plus de 400 ans après Descartes, elles annoncent la triste nouvelle de la naissance d’un nouveau cogito : je pense donc je suis contre !

C’est la raison pour laquelle, nous appelons avec solennité tous les citoyens responsables à une vigilance accrue face à leur usage inconsidéré. La démocratie est malade (même si c’est seulement un gros rhume) de cet éternuement constant de citoyens systématiquement en colère sur tout, son contraire et le reste.

Si vous êtes d’accord avec les principes défendus dans ce texte, nous vous demandons instamment de ne pas le diffuser et de ne pas le signer !