L’actuelle réforme des universités comporte trois enjeux : le statut des enseignants-chercheurs, leur évaluation, leur soumission à des présidents d’universités « autonomes ».
1- Sur le statut, il y a un fantasme : la privatisation des universités et la « défonctionnarisation » des enseignants-chercheurs. Personne, à ma connaissance, n’évoque cette hypothèse en France, alors même que ce statut tend à devenir une exception dans le monde. Le débat français porte plutôt sur l'éventualité de la transformation d’un statut de fonctionnaire d’Etat en celui de fonctionnaire d’établissement public (celui d’une université devenue autonome). Admettons. Mais je ne vois pas en quoi cette transformation serait catastrophique en termes de liberté académique, de sécurité de l’emploi, de qualité de la recherche …
2- La question de l’évaluation des enseignants-chercheurs est plus délicate. Il s’agit de savoir qui la fait et comment ? Dans l’atmosphère de défiance actuelle, aucune instance ne paraît avoir l’autorité légitime. Si ce sont les universités, on dira qu’il y a risque de localisme et de clientélisme ; si c’est le CNU, le risque sera celui du corporatisme et des querelles intradisciplinaires. Les modalités n’inspirent pas non plus confiance : est-ce au kilo de publications ? Au kilomètre de citations par les pairs ? Au litre de conférences ? Quelle part donner à la performance scientifique, à l’enseignement et à l’engagement académique (dans des tâches administratives) ? La bonne méthode consiste à partir de l’idée qu’il n’y a pas de bonne évaluation et qu’elle est néanmoins nécessaire ! Pour le reste, il ne me paraît pas déraisonnable qu’une part de l’évaluation se fasse au niveau des établissements, notamment pour les enseignements, l’administration et les activités scientifiques courantes. Cela permettrait, non pas tellement de sanctionner, mais de gratifier ceux qui choisissent de s’investir. C’est d’ailleurs ce qui se fait largement par les primes. Pour ce qui concerne le grandes étapes de leur carrière (sabbatiques, promotions, …), les enseignants-chercheurs pourraient être soumis à une évaluation plus « hard » ; celle d’un CNU, mais qui fonctionnerait moins comme un consistoire de la discipline, que comme une agence de sollicitation d’experts français et étrangers (afin d’éviter tout corporatisme).
3- Le troisième enjeu est celui des pouvoirs du président de l’université. Il peut certes y avoir des présidents autocratiques — ça s’est vu et ça se verra — ; les élections peuvent contribuer à attiser les conflits, à créer des clans antagonistes et à induire des pratiques de favoritisme au détriment du pilotage de l’université — ça s’est vu et ça se verra —. La loi sur l’autonomie des universités, parce qu’elle n’entendait pas (en toute logique) déterminer l’autonomie d’en haut, a été silencieuse sur les structures internes des universités (jurys, mentions, UFR, écoles doctorales, instituts, équipes d’accueil, …), et la manière dont leurs conseils devaient animer la gouvernance des universités. C’est cet esprit de la LRU qu’il convient désormais d’inventer afin d’éviter que l’élection d’un président soit synonyme de la victoire d’un clan contre un autre. Le rôle des présidents d’universités autonomes consiste à piloter et à arbitrer, en ayant les moyens de le faire. Nos débats, sur cette question, surprennent — c’est le moins qu’on puisse dire — nos collègues étrangers.
Ces trois enjeux sont importants, car, en effet, il en va de l'équilibre d'un système fragile. On peut comprendre les passions, les craintes … Mais, en même temps, ils doivent pouvoir faire l'objet d'une discussion sérieuse où l'on ne crie pas d'emblée au scandale. La difficulté est que l'autre réforme, celle de la « mastérisation » de la formation des maîtres (recrutement au niveau du M2, suppression de l'année de stage), est incompréhensible (sauf, bien sûr, en termes budgétaires…).
PHT
1 commentaire:
Vous passez totalement sous silence la question de la répartition entre les activités d'enseignements et celles de recherche. Est-ce volontaire?
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